Présentation
Bonjour à toutes et à tous. Donc, très heureux de faire cette présentation qui, je l’espère, suscitera des questions autour de la culture sécurité et des facteurs humains qui sont reliés.
Donc, moi, je m’appelle Vincent Blache, je suis responsable développement de la thématique QSE et performance au sein du groupe Aftor. Je suis formateur, je forme sur les métiers du QHSE, mais aussi, j’ai formé pendant trois ans les nouveaux auditeurs MASE sur l’ensemble du territoire national. Mais aussi, puisque depuis quelques années maintenant, le MAS s’est ouvert en Afrique, auditeurs QHSE et énergie depuis dix-sept ans maintenant et auteur aussi de différents ouvrages autour du QSE.
Pourquoi le sujet culture sécurité ? Et avant de regarder l’aspect culture sécurité, c’est d’abord la notion de culture. Dans mon travail et dans mes fonctions, je dois réfléchir à ce que seront les référentiels de demain en matière justement de QSE. Et depuis cinq, six, sept ans, la tendance est aujourd’hui à orienter, ou du moins réfléchir sur ces approches de culture. Parce que dans les référentiels actuels, la tendance est de dire qu’au niveau des techniques, des procédés, de tout ce qui est un petit peu outils mécaniques et robotiques. On avance de façon très importante et on commence à avoir de très bons résultats. Mais aujourd’hui, ce qui fait malheureusement la variable, tant sur les problématiques de qualité, que d’environnement ou de sécurité, eh bien, c’est la variable humaine. Et l’approche de la culture est aujourd’hui un des leviers, qui semble être un des axes d’amélioration pour les performances en matière de QHSE.
La culture d’entreprise
Alors, on m’a demandé effectivement et j’ai aussi motivé le sujet de la culture sécurité, car aujourd’hui, on se pose donc beaucoup de questions. Mais d’abord, il faut comprendre ce qu’est la notion de culture. J’ai voulu reprendre les termes d’un entrepreneur de la Silicon Valley, alors, on peut critiquer ou pas, mais ce qui est intéressant, c’est l’angle qu’il veut mettre en avant. Il dit que la culture, ce n’est pas un ensemble de règles magiques qui font que l’ensemble des salariés d’une entreprise se comportent exactement comme on aimerait qu’ils le fassent. C’est plutôt un système de comportements que l’on espère, et je dis bien que l’on espère, que la plupart des gens adopteront la plupart du temps.
Ça veut dire qu’effectivement, on est sur une variable, et on espère que majoritairement cette variable utilisera les bons comportements la majorité du temps. Ces variables-là, et la notion de culture, viennent de quatre angles. La première, c’est d’abord la notion d’appartenance : quand on rentre dans une entreprise, il faut d’abord qu’on identifie un petit peu les codes, dans quel secteur d’activité, on est. Quelle est un petit peu finalement la logique sécuritaire du secteur d’activité dans lequel je rentre. La deuxième, dans cette approche culture, c’est un peu les croyances ou les valeurs que chaque individu peut avoir. Essayer de comprendre si ces croyances et valeurs sont en adéquation avec celles de l’entreprise dans laquelle on entre. Il y a aussi la notion de peur ou de crainte : chaque individu a ses propres peurs, ses propres tabous, ses propres questionnements. Qu’il faille être capable de décoder ou de comprendre pour savoir si, dans une situation ou une autre, cette personne peut adopter un comportement qui pourrait être difficile ou amener des effets malheureux.
Et puis la dernière chose dans l’approche de la culture, c’est cette notion un peu d’histoire que chaque entreprise a. Suivant qu’elle existe depuis des années et des années, ou au contraire une start-up qui vient de grossir.
On a des approches d’histoire et de choses sur lesquelles se référer, qui peuvent être différentes. Ça, c’est la notion de culture d’entreprise qui s’associe à ces quatre angles. Si on se concentre maintenant sur la culture sécurité. Je vais mettre un petit peu ma casquette d’auditeur, je dirais que la culture sécurité, c’est ce qui se passe réellement sur le site, quand les managers ont le dos tourné. Puisque je suppose que c’est votre cas, vous avez tous mis en place des règles en matière de sécurité dans l’entreprise, les audits, les procédures, tous les éléments d’un système de management de la santé sécurité. Elles font que vous avez des jalons, des pratiques et des éléments que vous espérez que les salariés vont appliquer cent pour cent du temps.
Et donc, la véritable culture sécurité, c’est celle qui fait que les salariés se comportent d’une certaine façon, surtout quand vous n’êtes pas là. Alors, si on veut rentrer dans une définition un peu plus sémantique ou avec un petit peu plus de contenu, la culture de la sécurité est un ensemble de manières de faire et de penser largement partagées par les acteurs d’une organisation sur le sujet de la maîtrise des risques, liée bien évidemment à leur activité. Donc forcément, on est concentré sur la vision de la maîtrise des risques, peu importe l’activité que l’on fait, peu importe le moment où on le fait et peu importe avec qui on le fait. Mais la culture sécurité, c’est avant tout trois composantes qui la définissent. Tout d’abord, dans son entreprise et dans votre secteur, ce sont d’abord beaucoup d’éléments. Si vous êtes surtout du secteur industriel, vous avez beaucoup d’éléments techniques, industriels, des procédés ou aussi des éléments techniques liés aux équipements de protection collectifs ou individuels que vous pouvez donner à vos salariés dans le cadre de leur activité.
La vision qu’on appelle technique. La deuxième composante, c’est celle de la mise en place d’un système de management santé sécurité, là aussi avec des exigences, des jalons et des moments de mesure de cette performance en matière de santé sécurité. La troisième composante, qui elle est la plus subjective ou la plus complexe à appréhender, ce sont les facteurs humains et organisationnels. Puisque je pense que tout le monde sera d’accord pour dire que ce n’est pas parce que vous avez l’ensemble des outils à votre disposition, que vous avez mis en place les règles d’application, que tout va se passer comme vous voulez. Donc, ce facteur humain et organisationnel, c’est la troisième composante et la plus complexe de la vision de la culture sécurité.

Etat des lieux : cas de Boeing
Puis, on fait un petit peu un état des lieux depuis ces fameux cinq, sept ans. On constate que dans bon nombre d’entreprises, la question de la culture devient un sujet prépondérant, voire un enjeu. Un enjeu de société ou du moins, un enjeu pour bon nombre de secteurs d’activité. Prenons le cas de Boeing, vous avez tous entendu ces derniers, ces dernières années, voire même ces derniers mois, l’augmentation de différentes problématiques liées aux avions de Boeing. Et aujourd’hui, Boeing s’est, enfin pas aujourd’hui, mais du moins déjà depuis quelques années, Boeing s’est posé des questions sur son angle, son angle d’attaque et puis surtout son organisation vis-à-vis de ses salariés.
Je vous ai mis à l’écran un petit extrait d’un article du Figaro qui mentionne que, aujourd’hui, c’est un changement culturel profond chez Boeing. Qui doit être axé à la fois sur la sécurité du personnel, sur la sécurité des produits et sur la qualité des produits, plutôt que sur l’angle du profit, de la compétitivité et de la performance. C’est l’aspect culturel qui doit être remis sur le devant de la scène, et remettre l’importance de l’humain au cœur de l’activité de Boeing.
Pourquoi ? Parce que dans les audits ou tout ce qu’ils ont pu mettre en place pour détecter pourquoi aujourd’hui, ils avaient des problèmes, c’était majoritairement sur la position du salarié. Et quand on dit la position du salarié, c’est finalement son ancrage dans la société, son implication, son écoute, et aussi finalement la façon dont il pouvait travailler dans l’entreprise, qui a mis en avant qu’aujourd’hui, c’était majoritairement ça. Il y avait une culture d’entreprise malheureusement qui avait pris un angle, qui aboutissait aux problématiques que vous avez tous entendues.
Si on fait aussi un point sur les différents audits santé sécurité qui peuvent remonter de plusieurs référentiels, que ce soit lié aux MASE ou que ce soit lié à l’ISO 45001 ou d’autres référentiels en matière de santé sécurité. La plupart des remontées qui sont faites par des responsables sécurité ou des dirigeants, c’est que malgré la mise en place de systèmes de management, malgré la mise en place de procédures documentaires, les comportements dangereux ne diminuent pas. L’implication du personnel est à ce jour leur principale difficulté. Alors que pourtant la sécurité est rabâchée en permanence.
L’influence de la culture organisationnelle
Donc si on veut rentrer un petit peu dans le détail de ces facteurs humains et de la vision sécurité, on doit d’abord comprendre ce qui joue, quelles sont les caractéristiques qui influent sur la culture et notamment la culture organisationnelle. La première chose, c’est de comprendre l’iceberg des comportements. Il y a donc, là aussi, sous la ligne de flottaison, la manière de penser.
Tout ce qui est perception, représentation, croyances ou valeurs de chaque salarié à l’intérieur de l’entreprise. Chacun, chaque individu est unique et peut avoir des perceptions sur une situation, sur un événement, sur une façon de faire qui lui est propre. Bien évidemment, cette façon de penser-là va se matérialiser sur la manière de faire. Et donc là, c’est le comportement visible, au-dessus de la ligne de flottaison.
Qu’est-ce qui va influer sur ces manières de penser, ces manières de faire ? D’abord l’organisation que vous aurez mise en place dans l’entreprise. Donc là, on parle du système de management de la santé sécurité. Vous avez mis en place des procédures, des documentations. Est-ce que tout le monde les comprend de la même façon ? Est-ce que tout le monde a, là aussi, une lecture claire de ce qui lui est demandé ? Il y a ensuite l’approche individuelle : chaque personne est différente et on verra justement comment être en capacité d’identifier ce que chaque personne peut penser de façon individuelle.
Il y a l’aspect collectif, on sait tous et on sait très bien que collectivement, les personnes peuvent réagir de façon différente de ce qu’elles feraient si elles étaient seules, parce qu’on a toujours, à l’intérieur d’un collectif, et ça je pense que ça va faire écho notamment aux jeunes générations, des influenceurs. Dans une entreprise, on a aussi des influenceurs.
Des personnes qui parlent un peu plus fort, des personnes qu’on écoute parce qu’on considère qu’elles ont plus d’expérience que nous, ou des personnes qui savent s’imposer. Est-ce que ces notions parfois d’influenceurs sont les bonnes pratiques à entendre ou au contraire ce sont des pratiques qu’il faudrait transformer ou modifier ? Et puis bien évidemment, le troisième point, c’est l’environnement extérieur, la vision de la société sur lequel effectivement les manières de faire ou de penser peuvent jouer. Et là où ça influe aussi beaucoup, c’est sur les catégories socioprofessionnelles. On peut considérer que des catégories socioprofessionnelles différentes réagiraient de façon différente en fonction d’un événement. Est-ce que cela veut dire finalement qu’il faut aussi penser générationnel ? Quand vous avez dans une entreprise, on a même déjà aujourd’hui dans une entreprise trois générations, voire dans certains cas, ça m’est arrivé pendant un audit d’avoir une personne, c’était le dirigeant qui avait quatre-vingt-sept ans.
Il y avait sa stratégie et sa vision de pensée, et c’était une TPE d’à peu près douze personnes, mais sur ces douze personnes, vous aviez trois, quatre personnes qui étaient de la génération Z. Et quand vous avez cette multiplication de générations, c’est critiquable ce qu’il y a à l’écran, ce n’est pas une vérité en soi, c’est plus pour venir un petit peu illustrer ce que l’on peut imaginer des plus, du moins des plus et des moins, si on peut le dire comme ça, des générations X, Y et Z, que l’on voit aujourd’hui travailler dans une entreprise. Je pense que moi qui ai audité aussi dans le domaine du BTP ou d’autres secteurs d’activité, j’ai parfois à auditer sur le terrain des équipes où j’ai un chef d’équipe qui a cinquante-huit ans, il est accompagné d’un jeune intérimaire qui a dix-huit ans, et d’un jeune qui a plus d’une trentaine d’années et qui commence à avoir sept, huit années d’expérience. En fonction de qui est l’influenceur à l’intérieur, et parfois ce n’est pas forcément le chef d’équipe ou le plus ancien qui est l’influenceur.
C’est quelqu’un qu’on vient écouter parce qu’on considère que la façon dont il amène les sujets est plutôt intéressante et on a tendance à l’écouter un petit peu plus. Mais on voit qu’effectivement, cette approche des générations, si on la mixe avec la vision des catégories socioprofessionnelles, et si on la mixe avec l’iceberg des manières de faire ou de penser, on peut se retrouver dans des situations complètement différentes, en fonction des équipes collectives que l’on peut mixer. C’est vrai que ce que vous avez encore une fois à droite, les plus et les moins d’une génération à une autre, je suis sûr que si je demande à chacun d’entre vous ce qu’il en pense, vous direz « oui, ça me parle à peu près » ou « non, c’est n’importe quoi, on ne peut pas généraliser ». Bien sûr qu’on ne peut pas généraliser, ce sont des tendances.
Par exemple, si on prend la génération X, donc celle née entre 1960 et 1980, on considère qu’elle a plus le sens de l’autorité et de l’écoute de la hiérarchie, mais ce ne sont pas forcément des grands communicants. Et c’est vrai que si on va dans beaucoup d’entreprises, on s’aperçoit que les gens qui ont une trentaine d’années sont souvent considérés comme des experts dans leur domaine, mais parfois, ce ne sont pas forcément ces personnes-là que l’on va utiliser comme profils pour accompagner ou coacher des nouveaux ou jeunes dans l’entreprise, parce qu’on considère que la communication n’est pas suffisamment une force de leur côté. Donc, plutôt une écoute de la hiérarchie, mais une difficulté dans la communication.
Les générations Y, de 1980 à 1995, sont plutôt des gens qui ont une bonne adaptation, une bonne autonomie, sont capables d’être force de proposition. Mais en même temps, on commence à avoir un sens plutôt relatif de la hiérarchie, c’est-à-dire qu’effectivement, ce côté autonomie est parfois un peu en bisbille avec la notion de suivre les préconisations de la hiérarchie, et sur lequel, là aussi, il commence à y avoir une vision de l’implication qui peut être différente de celle de la génération X. Et si on regarde la génération Z, née après 1995, on voit que là, la relation à la hiérarchie peut être encore plus complexe. Non pas qu’il n’y ait pas de notion de respect, mais c’est plutôt une notion de, d’aller même un peu plus loin que l’autonomie, mais même la notion d’indépendance.
Et qu’effectivement, la jeune génération est plus encline à vouloir épouser les valeurs d’une entreprise qui lui ressemble et se met parfois en opposition si les valeurs de l’entreprise ne reflètent pas ce qu’elle pense. C’est plutôt encore une fois des tendances, mais si vous mixez des personnes de ces générations différentes avec la composante de la catégorie socioprofessionnelle et qu’en plus, vous voyez aussi qu’il peut y avoir des manières de faire ou de penser différentes, vous pouvez vous retrouver dans des situations de travail où la personne, l’influenceur et les pratiques, vont pouvoir ou peuvent amener malheureusement parfois à des risques et donc des conséquences en matière de sécurité.
Si on focus sur cet aspect facteur humain et organisationnel, il faut avoir là aussi plusieurs angles. Le premier, c’est d’abord de se poser la question : c’est quoi ces fameux facteurs humains et organisationnels ? De quelle source ils découlent ? Ils découlent d’au moins quatre familles. La première, et on va commencer par le bas, c’est d’abord l’individu.
L’individu, par la façon dont il a grandi, les études qu’il a faites, l’environnement dans lequel il a grandi, vont lui amener là encore des manières de penser, des manières de faire, qui lui sont propres. Ensuite, vous avez des facteurs humains, organisationnels, qui débouchent de situations de travail, ou d’environnement de travail, qui peuvent amener aussi à des manières de penser différentes. Suivant si vous êtes à travailler dehors dans le domaine du BTP ou si vous êtes amené à travailler sur un poste de travail dans un environnement plus fermé. Vous pouvez être amené là aussi à déployer des attitudes ou des comportements différents. Le travail en collectif, entre le fait de travailler seul ou en collectif, vous amène aussi parfois à des comportements où vous allez prendre sur vous. Ou, au contraire, ne pas vous laisser faire, et donc ça risque aussi de créer des comportements différents. Et enfin, l’organisationnel, ce que peut pousser l’entreprise à faire par le biais de procédures, de modes opératoires en fonction des activités.

Les facteurs humains et organisationnels
Ces éléments, ces facteurs humains et organisationnels, on va le voir juste après, sont motivés par ce qu’on appelle des activateurs. Ces activateurs, qui découlent des facteurs humains, vont donc amener des comportements sur le terrain, des comportements en situation de travail. Ces comportements sont axés majoritairement par deux tendances : celle qui est liée à la conformité, à l’application des règles, et là effectivement, on peut voir qu’en fonction des individus ou des générations, on a une tendance à vouloir se conformer aux règles plus ou moins fortes. Et puis la tendance à l’inverse, celle de la proactivité, la capacité à ne pas forcément se conformer, mais tout de suite vouloir appliquer. Et forcément, ça va amener des effets. Et c’est là aujourd’hui ce que vit Boeing, c’est-à-dire qu’il y a des résultats sur la production qualité et donc la qualité des pièces et des produits réalisés.
Il y a des effets sur la sécurité industrielle au regard des équipements et des machines, et enfin, il y a les résultats en matière de santé et sécurité au travail, l’accidentologie. Donc là maintenant, je vous propose de faire ce focus après les facteurs humains sur cette notion dont je vous ai parlé d’activateur. Alors, je m’étais dit, je ne sais pas si on avait le temps ou pas, mais déjà à cette étape-là, vous posez la question : avez-vous déjà remarqué des attitudes différentes en fonction d’une situation de travail que vous considérez dangereuse ? Que vous avez considéré, parce que vous y étiez, comme… Je ne sais pas si certains d’entre vous pratiquent ce qu’on appelle des VCS. Des visites comportementales de sécurité, qui consistent à vous mettre un peu en retrait et regarder des pratiques au travail d’une équipe ou autre. Est-ce que vous avez déjà remarqué des attitudes différentes sur une situation dangereuse qui pouvait impliquer plusieurs personnes, et sur laquelle vous vous êtes posé la question de la générationnelle, ou de la catégorie socioprofessionnelle, ou d’autres types de facteurs ?
On ne doit pas se poser de questions. Il ne comprend pas pourquoi certains jeunes n’appliquent pas les règles comme il voudrait qu’elles soient. Et il a du mal à entendre les notions de critiques. Et effectivement, les quelques intérimaires qui étaient là, et qui avaient aussi une vision sécurité qui était bonne, mais qui était la leur, se mettaient bon gré mal gré un peu en confrontation avec cette vision un peu paternaliste. Et quand on regardait justement le système de management sécurité qui avait été créé pour l’entreprise, on voyait qu’il n’était pas parlant pour tout le monde, même s’il reprenait des éléments intéressants, il n’était pas parlant pour tout le monde. Et c’est là justement où on rentre sur la notion des activateurs dont je parlais tout à l’heure.

La méthode ABC
Peut-être que certains la connaissent, mais ce n’est pas parce qu’on la connaît qu’on l’applique. La méthode ABC, donc A pour activateur, B pour comportement et C pour conséquence. Ce qui va faire qu’une personne, un individu dans l’entreprise va appliquer un comportement, c’est l’activateur qui va s’allumer dans son esprit en fonction de la situation qu’il vit. Soit cet activateur est lié à un environnement de travail. L’environnement de travail est contraint, sale, difficile, température excessive, des éléments contraints de l’environnement de travail.
Soit ce sont des choses liées à la culture d’entreprise qui vont le marquer. Quand je dis culture d’entreprise, ce sont les pratiques de dire, peu importe la situation. Dans l’entreprise, même quand il fait quarante degrés, tu dois porter toutes les combinaisons en matière de santé sécurité, c’est d’abord le port des EPI, l’élément premier. Après, ça peut être l’éducation. Là, on rentre dans quelque chose qui est encore plus tendancieux que le reste, c’est cette vision, finalement, des catégories socioprofessionnelles, mais aussi peut-être des fois du milieu dans lequel on vit et sur lequel on a évolué. Qui fait qu’effectivement, on peut avoir des manières de voir une situation, de la penser ou de voir comment on pourrait l’améliorer, qui nous est propre. L’expérience de la vie aussi. L’expérience de la vie parce qu’on a vécu des choses qui nous paraissent similaires à la situation de travail qu’on vit actuellement, fait que l’on va développer un comportement qu’on a eu l’habitude de faire, parce que par le passé, ça ne nous a pas amené de conséquences négatives.
Ces activateurs-là, en fonction de celui qu’on allume, vont nous amener à un comportement précis. Soit, on va respecter les règles, parce que l’expérience de la vie fait que j’ai toujours respecté les règles et je n’ai jamais eu de problème, donc je vais continuer. Soit, on va se questionner, apporter un doute, se mettre en retrait, parce qu’on a plutôt tendance à se dire que tant que tout n’est pas là, je ne fais pas un pas de plus. C’est un peu la notion de mise en sécurité. Soit, on est plutôt sur une tendance de proactivité, parce que nos expériences de la vie, nos intérêts ou nos besoins font qu’à chaque fois qu’on a été proactif, ça nous a bénéficié. Et ces comportements, forcément, vont amener des conséquences. Les conséquences, les résultats : la plupart du temps, heureusement, aucune conséquence ; parfois, c’est l’incident, un incident où on a réussi à éviter la problématique pour la personne, mais peut-être qu’on a malheureusement des conséquences sur le matériel ou d’autres éléments, ou malheureusement l’accident final.
Et donc, pour être capable d’avoir cette vision des fameux activateurs, il faut connaître les personnes. Et bien évidemment, je suppose que la plupart d’entre vous se disent que ce n’est pas facile de connaître les activateurs de chaque personne. On rentre dans la bulle, dans la sphère individuelle de la personne. Quand elle vient dans l’entreprise, elle est là pour réaliser une activité, une tâche, et en contrepartie, elle reçoit un salaire. Vous avez des personnes qui sont capables de rester très longtemps le soir, et des personnes qui disent : « Non, là, c’est la fin de la journée, je dois m’en aller. » Et ça, c’est propre à chaque personne, et ce n’est pas critiquable.
La seule chose, c’est que pour comprendre les comportements qui vont être activés, il faut connaître ces activateurs. Et pour connaître ces activateurs, ça va passer par la mise en place, dans une culture d’entreprise, de différents éléments, et aussi des éléments de questionnement, ainsi que des éléments de transparence.

Le diagnostic de l’existant
Dans le diagnostic de l’existant, parce que vous l’avez compris, forcément, quand on veut faire un point sur la culture, et notamment la culture sécurité, il faut faire un diagnostic de l’existant et interroger les manières de faire et de penser. Pour ça, c’est une vision à trois orientations. Nous, dans la pratique de la culture sécurité, quand on va faire un diagnostic culture sécurité en entreprise. On regarde d’abord le système de management santé-sécurité, parce qu’il va déjà nous donner des indices sur la façon dont l’entreprise a voulu faire passer des messages.
Donc, on va regarder les processus, l’organisation, les services, les procédures, les modes opératoires, tout ce qui compose, et les indicateurs bien évidemment, tout ce qui compose le système de management santé-sécurité, par majoritairement une analyse documentaire, mais aussi des approches d’audit. On peut regarder, et même, on va regarder les comportements et les pratiques par le biais d’immersion terrain, de visites comportementales de sécurité, sur lesquelles, comme vous le faites certainement, vous allez vous mettre en retrait et vous observez les pratiques. Et la base, la base de ce diagnostic, l’élément le plus important qui va permettre de traiter les leviers, c’est la capacité à identifier les valeurs, les croyances et les perceptions des risques à titre individuel. Et pour ça, il faut créer des éléments de questionnaires anonymes permettant de donner la parole aux salariés. Quand je parle de transparence, c’est de lui faire comprendre que ce n’est pas encore une fois pour le mettre en difficulté, mais pour comprendre l’individu et donc lui poser des questions pour se dire. Ce que j’aime bien faire, c’est la vision miroir dans les questionnaires, c’est-à-dire que je lui pose la question d’une situation de travail ou d’un risque pour savoir ce qu’il en pense, et en même temps, je lui pose la question miroir : « Est-ce que tu as l’impression que l’entreprise, par rapport à cette situation, te donne tous les éléments pour que tu puisses le faire de la bonne façon ? »
Et si je me mets à avoir des delta et des différences entre les deux, ça veut dire que, quelque part, il y a quelque chose qui n’est pas passé. Et si ce n’est pas passé, c’est soit parce que l’activateur de l’individu n’a pas été bien activé en fonction des procédures ou des documents qu’on lui a donnés. Ça ne lui a pas fait « tilt », ça ne lui a pas activé quelque chose. Donc le questionnement des salariés est un élément hyper important dans l’aspect culturel, non pas pour gêner la personne, mais au contraire, on a besoin de savoir ce qui va faire « tilt » chez elle, pour qu’elle adopte le bon comportement. Ça, c’est pour la partie diagnostic.

Culture sécurité intégrée
Une fois qu’on a fait ce diagnostic-là, qu’on comprend les attitudes, les méthodes, les activateurs qui vont influer sur les comportements, il faut bien évidemment essayer d’avoir une vision de la culture sécurité intégrée. Et pour avoir cette vision de la culture sécurité intégrée, il faut d’abord se poser, enfin d’abord, il faut se poser là aussi plusieurs angles de réflexion. Le premier, c’est ce que vous voyez tout en haut. Encore une fois, la finalité, c’est une meilleure maîtrise des risques, et donc forcément une baisse de l’accidentologie. Tout en haut, vous avez la conscience partagée des risques les plus importants. Est-ce que vraiment tout le monde est d’accord sur les éléments qui ressortent du document unique, souvent faits avec des méthodologies d’application type fréquence, occurrence, gravité, etc., dans une logique tout à fait cartésienne et bonne, mais finalement qui ne parle pas à tous les salariés ?
Avoir aussi une culture interrogative, c’est sans cesse douter, et là, je parle aux responsables sécurité, douter des éléments de son document unique ou de ses risques significatifs pour donner la parole aux salariés afin de les interroger, et notamment les interroger sur leur comportement. Une culture intégrée avec la mobilisation de tous, ça n’échappera à personne, et c’est vrai pour n’importe quel référentiel, il faut que tout le monde soit sensible à ces sujets-là, et en premier lieu la direction. Il faut une approche d’équilibre entre le « régler » et le « gérer ». C’est la notion de maîtriser quelque chose ou d’influencer quelque chose. Il faut travailler sur les fameux trois piliers qu’on a vus tout à l’heure.
La technique, le système de management de la santé-sécurité et les facteurs humains et organisationnels : il faut que les managers, soient sensibilisés à la culture sécurité. Ils doivent être des promoteurs, mais qu’il soit aussi dans une approche d’exemplarité. Enfin, il est essentiel d’avoir une culture de la transparence pour que l’ensemble des générations, des catégories socioprofessionnelles, et autres, voient des résultats et des éléments cohérents pour tous les salariés.

Une culture sécurité forte
Enfin, pour ancrer ces valeurs culturelles, après avoir questionné les salariés et diffusé les éléments importants de la culture santé-sécurité, il faut nommer des ambassadeurs et des représentants. Le responsable santé-sécurité ne peut pas tout faire. Il faut des ambassadeurs de la culture sécurité ; le mieux, c’est que ce soient les fameux influenceurs, ceux qui ont une attitude et une vision positive du changement et des comportements. Il faut communiquer régulièrement sur les valeurs et les résultats. Il est également crucial de maîtriser les changements qui peuvent avoir une incidence sur la culture sécurité : que ce soit des changements documentaires, organisationnels, ou tout autre type de changement susceptible d’influencer la culture sécurité et qui peuvent modifier les comportements.
Bien évidemment, il faut récompenser les comportements positifs, et je dirais même récompenser les comportements positifs, ou ceux que l’on peut juger positifs, même d’une génération à une autre. Il faut orienter les actions en fonction des familles, des générations, des métiers et encourager toujours les commentaires afin de faire évoluer cette culture sécurité, qui n’est pas figée. La différence avec n’importe quelle autre approche, c’est que la culture sécurité demande du temps, énormément de temps, car elle touche la variable humaine.